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Découvrez le témoignage de Sylvain, fondateur d'Halys Digital et expert dans la gestion des données critiques

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Sylvain Le Moël est une référence dans le domaine de la gestion des données critiques dans le secteur de la santé. En 2015, après 20 ans d'expérience, il fonde la société Halys Digital qui a récemment été acquise par Infogene. Aujourd'hui, à travers cette interview, Sylvain revient sur son parcours, nous partage son expertise et son point de vue sur les grandes évolutions du secteur ainsi que les synergies entre les expertises d'Halys Digital et Infogene.

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Pour comprendre comment j’en suis arrivé là, il est nécessaire de remonter un peu en arrière. En 1983, j’ai obtenu un baccalauréat technique F7 qui me destinait à devenir technicien de laboratoire. J’avais prévu de commencer à travailler dès ma sortie du bac mais les professeurs m’ont convaincu de continuer. Je suis ainsi entré en classe préparatoire aux grandes écoles pour passer le concours « Agro » où j’ai terminé major de ma promotion. J’ai ainsi intégré AgroParisTech, anciennement Agro Paris Grignon, l’école la plus renommée d’agronomie en France, dans laquelle j’ai eu la chance d’expérimenter beaucoup de domaines : la biochimie, la microbiologie, les biotechnologies, la génétique moléculaire que j’ai particulièrement aimée. J’ai envisagé de faire ma spécialité à l’institut Pasteur en DEA de génétique moléculaire avant de réaliser que ce type de travail en laboratoire pouvait se montrer très rébarbatif et pénible. Je me suis donc dirigé sur la spécialité informatique, que j’avais découvert à l’école, et c’est ainsi qu’a démarré ma carrière dans ce domaine.

J’ai effectué mon stage de fin d’étude au sein de la société Andersen Consulting, aujourd’hui Accenture, où j’ai travaillé quelques années dans le domaine du génie logiciel. J’ai ensuite effectué mon service national en Tunisie en tant que professeur d’informatique. C’est en 1994 que j’ai rejoint le monde du décisionnel au sein de l’entreprise IRI Software rachetée en 1995 par Oracle. C’est là-bas que j’ai découvert cet univers qu’on appelle aujourd’hui la BI (Business Intelligence) et je n’en suis plus jamais sorti depuis lors.

Après mes études, j’ai travaillé principalement chez des éditeurs de logiciels : IRI Software, Oracle, SAS Institut (une entreprise spécialisée dans le domaine des statistiques) et enfin MicroStrategy où j’ai travaillé pendant 18 ans dans différents rôles. J’ai tout d’abord été responsable des services, puis responsable des services Nord Europe et enfin responsable du produit Mobile, où durant 5 ans, j’ai aidé nos clients à développer des applications mobiles sans code. Ces applications étaient très orientées BI et destinées à des opérationnels, bien souvent laissés-pour-compte sur le plan de l’accès à l’information décisionnelle et qui, pourtant, en ont besoin au quotidien sur le terrain.

J’apprécie tout particulièrement de développer des applications pour répondre rapidement aux besoins des clients avec des technologies sans code. Nul besoin de programmer, il suffit de réfléchir, d’analyser le besoin, de le comprendre et de le formaliser dans une application. 

Pendant ces 5 années chez MicroStrategy, j’ai aussi pu travailler pour des clients dans différentes régions (Europe, Asie, Pacifique, Afrique) et j’ai eu la chance de découvrir des cultures et des manières différentes d’utiliser le produit.

À la suite de la dernière réorganisation de l’entreprise, on m’a proposé de partir travailler au siège à Washington. J’ai préféré refuser et créer ma propre société, Halys Digital, avec, comme axe de développement prépondérant, le développement d’applications mobiles pour des opérationnels.

Aujourd’hui lorsqu’on parle de BI et d’aide à la décision, on pense souvent aux tableaux de bord remplis de données utilisés par les dirigeants d’entreprises. Pour ma part, je préfère aider les populations de terrain dans leur quotidien. J’ai développé par exemple une application pour Système U permettant aux responsables de magasins de suivre leur chiffre d’affaires en quasi temps-réel, et de se comparer à des panels de magasins représentatifs sur les mêmes périmètres.

Imaginez un instant la chaîne de traitement nécessaire pour être capable de traiter et analyser avec une vraie intelligence, à 15 minutes, des données en provenance de tickets de caisse qui représentent des milliards de lignes d’information.

Ces applications sont construites en suivant une approche agile, où les utilisateurs participent et co-construisent leur outil avec l’IT. D’un côté nous récupérons les données et de l’autre, le business se charge de les comprendre et les analyser : c’est un véritable travail collaboratif. Des UX designers participent également à la conception des applications avec un développement sans code.

L’intérêt du sans code / du low-code et de la méthode Agile, c’est la durée du cycle de développement. En approche no code, les cycles sont d’environ une semaine, voire moins contre 2 à 3 semaines en temps normal. L’exemple le plus extrême est celui d’IKEA. L’objectif était de développer une application en deux semaines. Pour l’occasion, nous avons fait appel à des professionnels du développement. Nous faisions des itérations à la journée et nous avons réussi le challenge.

MicroStrategy est efficace pour la partie décisionnelle, la compréhension de la donnée et pour sa capacité à travailler sur des gros volumes de données. Cependant la partie no code impose des contraintes sur le plan UX. En 2016, je me suis donc formé à une nouvelle technologie : Appian, qui utilise le low-code. Cette technologie est assez similaire à celle de MicroStrategy sur les concepts mais elle couvre des domaines applicatifs plus larges que la Business Intelligence. Nous sommes alors rentrés dans le domaine plus large de la transformation digitale.

Je me suis également formé à une troisième technologie : OutSystems, aujourd’hui leader sur les plateformes low-code.

Avec Halys Digital, je travaillais donc avec ces 3 plateformes :

  • MicroStrategy avec le no code pour le traitement de très grandes quantités de données et un aspect fortement décisionnel ;
  • Appian avec du low-code dès lors qu’il y a une partie workflow importante
  • OutSystems lorsque nous développions des applications BtoB et BtoC qui nécessitent une expérience utilisateur très avancée.

Expert dans la gestion des données critiques, peux-tu nous rappeler ce qu’est une donnée critique ?

Les données critiques ne sont rien d'autres que des bonnes informations qui permettent de prendre de bonnes décisions.

Je travaille depuis 1994, auprès d’entreprises pharmaceutiques ou de laboratoires, notamment avec Roche, Givaudan, Sanofi, AstraZeneca, Ipsen etc.

Dans le domaine de la santé, les données critiques sont par exemple les données relatives aux essais thérapeutiques.

Des produits sont testés au cours de phases d’études cliniques puis, grandeur nature sur des patients dont ils vont suivre les indicateurs biologiques pour évaluer leur efficacité et détecter d'éventuels effets secondaires. Ces données sont extrêmement critiques, vitales, puisqu’elles touchent à la santé et qu’elles permettront de valider ou non la mise sur le marché des produits. Des données biaisées pourraient entraîner des conséquences potentiellement dramatiques sur la santé des patients.

Pour bien comprendre, j’aime utiliser la métaphore du capitaine de bateau. Naviguer dans le brouillard est extrêmement dangereux. Les données critiques vont permettre de savoir où sont les obstacles, de les anticiper et de prendre des décisions quasi-temps-réel. Une prise de décision trop tardive peut être fatale, comme pour le Titanic. Aussi, les données qui permettent de prendre de bonnes décisions sont toutes des données critiques.  

Aujourd’hui il y a deux manières de prendre des décisions :

  • soit grâce à l’utilisation de données critiques
  • soit en prenant la décision et en cherchant les données qui vont dans le sens de la décision prise. C’est une approche plus « politique ».

En 28 ans de métier, tu as été témoin de l’évolution de la gestion des données critiques dans le secteur de la santé. Quelles ont été, selon toi, les grandes étapes clés ?

J’ai commencé ma carrière dans la BI en traitant des bases de données multidimensionnelles qui permettaient de prendre des décisions à partir de tableaux de bord de type grande tendance. Nous travaillons alors essentiellement avec des modèles de prévision, pour tenter d’anticiper au mieux le futur. C’est ce qu’on appelle des décisions stratégiques qui auront un impact à 6 mois - 1 an.

La BI a évolué dans la capacité à traiter et à stocker rapidement de très grandes quantités de données.

Nous sommes passé de la prise de décision stratégique, long terme à des prises de décision tactique, très court terme, voire en temps-réel. Un patron de magasin de système U qui constate, sur son application, qu’il y a une baisse de CA dans un rayon, peut directement s’y rendre pour comprendre ce qui se passe et prendre une décision rapide, une décision tactique.

Il y a également eu une évolution dans le marché de la BI (ou manipulation des données critiques), en termes d’outils. En 1997, l’IT était peu utilisé : chaque utilisateur faisait son propre tableau de bord. Ainsi, dans une réunion de 10 personnes, nous pouvions nous retrouver avec 10 résultats différents.

C’est à ce moment-là qu’un virage dans la BI a été opéré et où l’IT a pris le lead sur toute la chaîne de production de l’information afin de normaliser et homogénéiser les résultats. La fiabilité de ces données permettait de prendre plus facilement des décisions.

Depuis 2015, les utilisateurs ont souhaité reprendre la main sur les données, quitte à faire eux-mêmes leurs tableaux de bord sur des fichiers Excel. Nous sommes revenus à une approche où les données sont utilisées pour supporter des décisions.

Techniquement parlant, ce n’est pas viable, on ne peut pas prendre de vraies et bonnes décisions avec cette approche. A mon sens, d’ici 2 ou 3 ans nous allons revenir à une vague où l’IT va de nouveau reprendre le contrôle de la chaine de mise à disposition d’une information de qualité.

Le monde a beaucoup changé en l’espace de quelques années et la prise de décision est devenue extrêmement complexe. Aujourd’hui nous avons besoin de croiser les données de l’entreprise avec des données externes de plus en plus nombreuses et disponibles.

Autant les premières sont fiables, à condition qu’elles soient correctement traitées, harmonisées et nettoyées ; autant les données externes restent très risquées et rendent la prise de décision plus complexe. Il faut prendre en compte davantage de paramètres et d’informations pour trouver des tendances, des liens de causalité et donc des données qui nous aident à prendre de bonnes décisions.

Qu’est ce qui te passionne personnellement dans le domaine de la gestion des données critiques ?

Ce qui me passionne, c’est la capacité d’aider les gens à prendre de bonnes décisions grâce à des bonnes méthodes et bons outils.

Peux-tu nous partager le projet client que tu as le plus apprécié ?

Certainement celui avec Adecco. Nous avons développé une application très opérationnelle qui permettait aux commerciaux d’avoir une approche proactive de leur métier et une vision à 360° de leurs clients. Entre deux RDV, ils pouvaient se rendre sur l’application et connaitre en temps-réel, les clients ou prospects qui se trouvaient autour de lui, l’historique des visites ou encore les échanges qu’il y avait eu avec eux. C’est un réel service à valeur ajoutée.

L’expérience avec Electrolux en Suède était également une très bonne expérience. A ce moment-là les techniciens notaient encore sur une feuille de papier les codes-barres de toutes les machines qu’ils installaient chez leurs clients puis rentraient au bureau réécrire ces informations dans leur système.
Ils passaient leur temps à faire des allers-retours. Pour faciliter leur quotidien nous avons développé une application mobile, leurs permettant de faire le suivi de leur activité et installations directement in situ et également de connaître en temps-réel les besoins et les incidents déclarés par des clients autour d'eux. Les techniciens pouvaient alors choisir de s’en occuper ou non : c’est de la prise de décision opérationnelle.

Régler les problèmes des personnes de terrain, c’est ce qui me fait vibrer !

Le 27 septembre Halys digital a intégré la société Infogene. Quelles sont les synergies entre l’expertise d’Halys Digital et Infogene Data, selon toi ?

La première synergie est commerciale. J’ai développé seul chez Halys Digital mais je ne suis pas commercial. Cela a été mon point faible. Grâce à Infogene notre capacité commerciale est décuplée.

L’apport d’Halys Digital pour Infogene, c’est la complémentarité des clients et des technologies. Infogene a un positionnement fort dans le domaine de la santé, alors qu’Halys Digital intervient surtout dans le retail, les services et l’industrie.

Côté technologie, les analyses disent qu’à l’horizon 2025, ⅔ des développements se feront avec du low-code. Halys Digital va donc permettre à Infogene d’élargir son offre et d’être présent dans ce domaine.

As-tu des choses à ajouter pour terminer ?

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à de vrais problèmes de recrutement, notamment d’ingénieurs informaticiens. Dans le monde du low-code et du no code, nous ne cherchons pas des profils full stack avec 5 ans d’étude. Les formations aux technologies OutSystems, Appian ou MicroStrategy sont accessibles et courtes (une à quelques semaines).

Cela permet de nous intéresser à des profils différents avec des compétences métiers dans un domaine particulier et une appétence pour la technologie.

Lors du recrutement nous privilégions les compétences relationnelles notamment la capacité à interagir et interviewer les clients, à comprendre leur métier, leur approche, leur langage et s’adapter.

Parmi nos 15 experts Halys Digital, seul deux sont ingénieurs informaticiens, les autres ont des formations de statisticiens ou de généralistes et sont devenus de très bons développeurs. Ces parcours différents permettent une mixité de compétences et de provenances, très riche dans ce domaine.